Arrivée d'Einskaldir

C'est sous un ciel clair et dans une lumière presque crépusculaire que j'arrivai en vue du Domaine.
Depuis douze coups sonnés à la Cathédrale, je chevauchais lentement, me laissant doucement guider par ma jument au pas placide et sûr.
La forêt avait succédé à la plaine qui elle-même avait englouti la cité de Toul derrière la limite de ma vision. Un beau jour de printemps avait filtré entre les feuilles à peine naissantes, d'un beau vert tendre, donnant au quasi-promeneur que j'étais ce jour là l'envie sourde de descendre bas de ma monture et de piquer quelque sieste à même le sol jonché de feuilles mortes, au pied d'un chêne encore nu.

Mais je ne le pouvais. On m'attendait au Domaine. Deux vieux amis, dont un frère d'arme de longue date. Je me devais d'être présent pour leurs noces, qui s'annonçaient grandioses et heureuses.Aussi pressais-je un peu le pas en apercevant le castel se dessiner sur l'horizon tombant lentement dans les ombres naissantes d'un coucher de soleil doré.

Arrivé à l'huis, je descendis de selle, tint Helvritt par la bride, et frappai au judas.

Un petit personnage armé m'ouvrit, scrutant mes traits avec attention. Je m'annonçai de suite.

-Salutations, l'ami. Je suis Einskaldir Ruhnenson, le maistre des lieux, le sieur melrikk, m'a cordialement convié à ses noces... Peut être ma compagne m'a-t-elle déjà annoncé?

Le garde regarda Einskaldir d'un œil perplexe et lui répondit.

Soyez le bienvenue au domaine de Gondreville, mes maitres vous attendent. Il m'ont demandé de vous indiquez le chemin du grand salon.

Puis le garde ajouta à voix basse accompagné d'un clin d'œil

Il s'agit juste d'un fêtes pour l'instant, nous ne sommes pas encore au mariage. Gardez ce projet pour vous.

J'avais chevauché prestement depuis le milieu de la nuit. Le vent froid faisait flotter mes cheveux dénoués et s'engouffrait dans les moindres plis de ma cape que j'exposais à sa furie glacée. L'hiver arrivait tôt, semblait-il, et on voyait ça et là des signes que les vieux démons blancs étaient sur le point de sortir de leur trêve estivale. Une fleur prise dans un mine étau de glace, un loup qui répondait au corbeau, la forêt qui frissonne sinistrement, le soleil qui se fait de plus en vite moribond face à la nuit...

Toutefois, tandis que j'arrivais en vue du domaine, la mine sombre, le soleil pointait timidement aux cimes des arbres , rasant l'horizon d'une lumière aveuglante d'argent. Si la nuit m'avait servi jusqu'ici de manteau, je n'en étais plus que l'humble ambassadeur, tout de sombre vêtu sur une jument qui l'était à peine moins.

Sur le mille qui me séparait encore de la propriété de mon ami et frère d'arme, je songeais à ce pour quoi je me rendais dans ce petit coin perdu de Lorraine. Et cela ne me mit guère en joie.
L'ost, poursuivant ses interminables convulsions d'homme mourant, commençait à montrer des signes de fragmentation.
Fratries, guildes, compagnies, ce n'était que des noms pour parler du même symptôme qui planait au-dessus de notre forteresse.

Et ce jour, je m'en venais visiter un futur chef de compagnie.
C'était mon ami, et je me demandais si ce n'était pas pour cette seule raison que j'avais accepter l'assemblée de frères toulois qui devaient se réunir sous une bannière nouvelle.

Une bannière couleur de feu. Aux couleurs de la noire salamandre.

L'idée de fond me peinait, même si j'imaginais bien quels services nous pourrions ainsi rendre à la Lorraine. Aussi, bouillonnant d'une colère sourde, je descendis de selle face aux portes et entrai dans le domaine, tenant Helvritt par la longe.
Le garde peinait à suivre mes longues enjambées et me sommais d'arrêter ma progression. Très froid−et je m'en étonnais même à posteriori, je lui répondis:

− Ton maître m'attend. Va dire qu' Einskaldir, son frère d'arme, est là...
Ca suffira, je pense...

Le garde vit arriver au loin un cavalier approchant à vive allure. Le visiteur descendit de sa monture et entra dans le domaine sans s'occuper du garde qui était la. Le serviteur du domaine reconnu Einskaldir, il était déjà venu pour des festivités mais au vue de l'expression de son visage, le garde su qu'il n'était pas question de réjouissance cette fois ci.

Après l'avoir rattrapé et demandé d'arrêter, le garde reçu comme réponse

− Ton maître m'attend. Va dire qu' Einskaldir, son frère d'arme, est là...
Ca suffira, je pense...

Un peu surprit du ton, le garde répondit

Tres bien messire, je pense que mon maitre vous attend dans l'aile est du château. Puis je m'occuper de votre cheval? Je le conduirai à l'écurie.

J'adoucis quelque peu mes traits, étirai un mince sourire.Je tapotai l'encolure d'Helvritt en tendit la longe au garde et écuyer.

−Tenez, l'homme. Je vous sais gré de votre offre. Et je vous prie de pardonner mon ton un peu... raide. Je suis quelque peu nerveux à l'idée de ce dont votre maistre va m'entretenir. Enfin... Je vous souhaite la belle journée, gardien.

Et sur ces mots, je traversai la grand' cour du domaine et me dirigeai vers la dite aile ouest, où je me doutais de la société qui allait entourer Melrikk de Beauregard, baron de Gondreville.

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